Tuesday, May 15, 2007

Le Canada aux Québécois

Quand j'ai déménagé au Canada en 1992 avec ma famille, nous avions d'abord atterri en Colombie-Britannique - je rêvais déjà du Québec. Lorsque, l'année suivante, nous sommes déménagés à Ottawa, je me suis retrouvé nez à nez avec lui. Chaque fois que je traversais la rivière des Outaouais, mon coeur palpitait: je me disais, un jour j'y vivrai. C'est que, pour un Franco-Brésilien comme moi, le Québec était le trait d'union qui manquait dans mon identité: je suis un Français fermement ancré en Amérique; je suis un Latino-Américain encerclé par d'autres Latino-Américains qui parlent une autre langue. Donc au Québec, jadis bout de France en Amérique, aujourd'hui société distincte dans une mer anglophone, je suis chez moi.

Moi même, je ne suis pas un souverainiste. Non. Ceci dit, je ne suis pas un fédéraliste non plus. Si, pour paraphraser ces slogans fédéralistes d'il y a douze ans, pour certains Canadiens, leur "Canada inclut le Québec", pour moi, le Québec inclut le Canada. C'est bien au Québec qu'est né le Canada, non?

On se moque beaucoup cette semaine de la décision de M. Gilles Duceppe de se présenter candidat à la tête du Parti Québécois et le retrait de sa candidature le lendemain. M. Gilles Duceppe est le chef du Bloc Québécois - parti souverainiste dans le Parlement canadien. Pour le Canada anglais, c'est un peu (svp ne m'en voulez pas pour la comparaison que je ferai maintentant) comme si le Hamas formait l'opposition officielle dans la Knesset. Un peu paradoxal. Paradoxal, aussi, le refus de disparaître de ce mouvement, quand on sent que l'indépendance n'a jamais été aussi loin depuis la Révolution tranquille.

Mais le mouvement souverainiste ne peut pas disparaître: il rend service à son pays, le Canada. Car, si laissé à lui-même, ce Canada des Anglais se contenterait de rester en orbite autour de son puissant éléphant de voisin, courant le risque d'être englouti. D'ailleurs, ce risque est d'autant plus réel qu'il semble devenir plus concret avec chaque jour qui passe, chaque camion qui traverse la frontière, avec chaque traité de coopération, d'harmonisation des normes (vers le bas, qui plus est), chaque mise en commun des compétences entre deux partenaires inégaux.

Un Québec indépendant, à moins de joindre l'Union européenne, aurait moins de résistance à la force gravitationnelle américaine. Et le Canada, ou ce qu'il en resterait, y succomberait sans dout, en plusieurs morceaux probablement. Le Québec est la raison d'être de ce pays. Il en est le garde-fou.

D'un autre côté, comme j'ai dit plus haut, je ne suis pas fédéraliste non plus. Ce modèle est en panne, selon moi. On ne peut pas avoir un tout dont les parties rouspètent de devoir partager leurs richesses - je pense au pétrole albertain. On ne peut pas avoir un pays où il est plus compliqué de faire du commerce entre les provinces qu'entre ces provinces et les États américains qui en sont voisins. C'est ça aussi l'ironie du sort: la géographie veut que Halifax et Vancouver soient plus proches, l'un de Miami et l'autre de Los Angeles.

Dans un pays de contradictions, il me semble digne et juste que les souverainistes soient à Ottawa...

(L'image: le Parlement canadien vu du côté québécois de la rivière des Outaouais; tirée de http://www.ccdmd.qc.ca/Quebec/images/high/5072.jpg)

1 comment:

Sophia said...

Bonjour Leo,
Tout à fait d'accord avec ton analyse mais il faut que le Bloc et le parti Québécois muent en quelque chose d'autre pour pouvoir continuer à faire les gardes fou. J'étais assez déçue de la manière avec laquelle le parti Québécois s,est débarrassé de M. Boisclair. Je lui serais toujours reconnaissante de n'avoir pas essayé de profiter de l'affaire des accomodements raisonnables et je pense qu'il représentait cet espoir de transmutation du parti. Dommage...